Pour commémorer le 350e anniversaire des apparitions du Coeur de Jésus à sainte Marguerite-Marie, Domvs Christiani s’associe pleinement à cette année jubilaire à Paray-le-Monial en proposant un nouveau thème à ses groupes : « Voici ce Coeur qui a tant aimé les hommes ».
1. Présentation du thème
Lorsqu’en juin 1675, le Christ apparaît à Sainte Marguerite-Marie Alacoque au monastère de la Visitation de Paray-le-Monial, en Bourgogne, Il lui montre son Coeur, « ce coeur qui a tant aimé les hommes qu’il n’a rien épargné jusqu’à s’épuiser et se consommer pour leur témoigner son amour ».
En invitant Sainte Marguerite-Marie à reposer sa tête, comme l’apôtre Jean (Jn 13,23), sur son divin Coeur, il nous invite à nous y abandonner et à nous y confier. La mission qu’Il donne à la Sainte nous révèle Son amour sans limite, un don total sans crainte du sacrifice ultime. Cet amour absolu du Fils de Dieu pour l’humanité interroge chacun de nous : comment recevoir de Dieu cet amour si grand pour nous ?
En poussant jusqu’au bout son abandon pour nous sauver, Jésus nous révèle la dimension divine de l’amour : celui qui se donne sans compter ni attendre rien en retour. Le sacrifice sur la Croix est l’acte ultime de charité, mais aussi d’obéissance totale à la volonté du Père qui nous ouvre les portes du Ciel.
Son geste d’humilité sur la croix témoigne aussi de la grandeur de la charité chrétienne, qui place les besoins de l’autre avant les siens. Il invite chacun à dépasser ses limites pour aimer le prochain comme Dieu l’aime. De même, il révèle que l’amour rédempteur et miséricordieux du Père peut seul conduire à l’abnégation.
1. L’amour infini du Coeur de Jésus révélé sur la croix
Le Coeur de Jésus, transpercé sur la croix par le coup de lance du soldat, nous laisse apercevoir brutalement Dieu touché au coeur par la misère humaine. En donnant sa vie sur cette croix, Jésus fonde l’alliance scellée
dans la miséricorde de Dieu pour l’humanité. C’est de ce coeur transpercé que jaillissent l’eau et le sang (Jean 19, 34), symboles du baptême et de l’Eucharistie qui vivifient sans cesse l’Église.
La miséricorde se révèle ainsi comme un fleuve universel d’amour appelant à la communion de toute l’humanité avec le Père. « Du coeur de la Trinité, du plus profond du mystère de Dieu, jaillit et coule sans cesse le grand fleuve de la miséricorde » nous rappelle le Pape François (Misericordiae Vultus, 2015). C’est d’ailleurs en ce sens que le Pape Léon XIII justifiait devant l’Église et le monde, la consécration du genre humain, c’est-à-dire des croyants mais également des non-baptisés, au Coeur de Jésus (à l’opposé des idées jansénistes réservant la grâce du pardon à certaines personnes uniquement), car “le pouvoir du Christ atteint aussi tous ceux qui vivent en dehors de la foi chrétienne : c’est une vérité incontestable que tout le genre humain est sous la puissance de Jésus-Christ » (Annum Sacrum, 1889).
Bien plus encore, cette miséricorde infinie du Coeur Sacré de Jésus n’est pas un sentimentalisme mièvre, faible et souffrant. Cette miséricorde-là ne s’oppose pas à la force vitale. Au contraire, loin d’être un signe de faiblesse, la miséricorde divine trouve son origine dans la toute-puissance de Dieu, qui jouit d’une plénitude d’être lui permettant de gratuitement pardonner et secourir l’humanité. « La miséricorde est le propre de Dieu, et c’est en cela que se manifeste au plus haut point sa toute-puissance » (Saint Thomas d’Aquin, Summa Theologiae, II-II, q. 30, a. 4.)
Le Coeur transpercé et miséricordieux de Jésus est la manifestation la plus glorieuse de Dieu. C’est ce que nous enseigne Pie XII dans l’encyclique Haurietis Aquas in Gaudio en 1956 en plaçant le Coeur de Jésus non dans la tristesse mais dans la joie féconde de Pâques, d’un Christ immolé pour l’humanité et ressuscité : « Il rendit l’esprit. Alors son Coeur s’arrêta et cessa de battre, et son amour sensible fut suspendu jusqu’au jour où, triomphant de la mort, le Christ ressuscita du tombeau. Depuis, son Coeur très saint n’a jamais cessé de battre. » En ouvrant la dévotion du Coeur Sacré à sa dimension glorieuse plutôt que doloriste, les passions et les plaisirs humains sont transfigurés par la charité.
Le Christ nous révèle son Coeur rempli de dilection pour son Père, qui se complaît en lui. « Père, je remets mon esprit entre tes mains. » (Luc 23, 46). Rien n’altère sa dilection pour son Père : Sa mort est une manifestation de Sa gloire, selon Sa parole : « Quand vous aurez élevé le Fils de l’homme, alors vous comprendrez que moi, JE SUIS. » (Jn 8,28)
2. Le Coeur Sacré de Jésus comme voie du Ciel
Ce Coeur Sacré, percé et couronné d’épines, est un Coeur rédempteur : en se livrant pour racheter nos péchés, Jésus, livré en rançon pour tous, donne un sens nouveau à la souffrance et à la mort : Il nous donne le Ciel.
Ce Dieu offensé, bafoué, nié, est transpercé, comme ouvert et tourné vers nous. De son Coeur sacré jaillit le flot réparateur et consolateur, car la souffrance du Christ est source de vie. Elle est un Baptême, ce sacrement qui nous réconcilie avec Dieu. Toutes nos souffrances, lorsqu’elles sont approchées de Jésus, deviennent source de vie. Dans nos péchés eux-mêmes, confiés dans l’intimité du confessionnal et absous par le prêtre, Dieu trouve une occasion de diffuser sa vie. Car nous avons su, comme Jean, reposer notre tête avec abandon et tendresse sur le Coeur Sacré de Jésus et tourner nos yeux vers le Ciel, comme dans le Cantique des cantiques : « Mon Bien-Aimé est à moi et je suis à lui… Je suis à mon Bien-Aimé et son Coeur se tourne vers moi » (Ct 2,16).
Dans l’Épître aux Hébreux, il nous est dit qu’« il n’y a pas de Rédemption sans effusion de sang » (He 9, 22). « Et ils tourneront les yeux vers moi qu’ils ont transpercé » (Za, 12,10) annonce l’Ancien Testament. Le Sacrifice de l’Eucharistie renouvelle pour nous et en nous ce Mystère de Jésus-Christ : dans ce coeur à coeur, comme nous le montre Jean (Jn, 19, 37), Il nous unit à Sa charité. Les Écritures se sont accomplies afin que nous puissions participer à cette vie divine. C’est dans cette contemplation, vécue dans l’Adoration ou l’oraison, que nous sommes submergés par sa gratitude et son infinie bonté.
Dieu, immolé, se tourne vers nous et nous invite à la confiance malgré l’épreuve. La souffrance est ainsi transformée en acte de communion et de participation à l’oeuvre du Christ. Il est souvent difficile dans nos vies humaines d’accepter que la maladie ait un sens et une fécondité. Jésus, qui nous a sauvés dans les souffrances de Sa Passion, n’est insensible à aucune de nos peines. L’espérance nous promet qu’Il se fait tout proche de toute personne affligée et la secourt fidèlement. La foi nous assure que les souffrances offertes en union avec les Siennes coopèrent à l’oeuvre du Salut. Comme les malades que touchait Jésus pour les guérir, ce que continue le sacrement des malades, laissons-nous toucher et fortifier par Son Coeur Sacré.
« Le sacerdoce, c’est l’amour du coeur de Jésus » nous rappelait le saint Curé d’Ars. En se faisant homme, Jésus, endormi sur la Croix, se présente comme l’époux de l’Église. Sur la Croix, Il nous a offert Son Coeur, symbole de Son amour rédempteur. De même, le prêtre voit son propre coeur transformé pour battre à l’unisson avec le Coeur du Christ, afin de porter la grâce aux fidèles. Par l’ordination, le prêtre devient une
figure du Christ, et la grâce dilate son coeur pour sentir comme celui de Seigneur. À l’image du Coeur de Jésus transpercé sur la Croix, le coeur du prêtre s’offre en sacrifice par son ministère.
De la même manière, l’amour conjugal doit s’abreuver à la source intarissable de confiance et d’espérance du Sacré-Coeur de Jésus comme le souligne le Pape Pie XII (Discours aux jeunes époux, juin 1940). La famille, reflet de la Trinité, bénéficie des promesses et des protections divines1 par le sacrement du mariage qui confère des grâces aux époux pour leur sanctification mutuelle. En se consacrant au Sacré-Coeur, l’amour des époux devient un reflet de cet amour divin. Le Pape exhorte ainsi les jeunes époux à confier leur foyer, leur patrie et toute l’humanité au Coeur de Jésus, seul capable de guérir les maux et réparer les ruines.
3. L’appel à l’imitation et à la charité chrétienne, le don de la grâce
En nous donnant son Coeur à contempler, en nous vivifiant par ses sacrements, Jésus nous interroge : quel chemin de sainteté cet idéal d’amour total nous invite-t-il à suivre ? quelle vie nous appelle-t-il à vivre sur Terre ?
Vivre d’un amour sacrificiel comme le Christ jusqu’au don total, cela commence avant tout par accomplir, avec humilité et simplicité, notre devoir d’état : c’est d’abord dans l’exercice des petites vertus de notre vie personnelle qu’Il nous donne rendez-vous. Son coeur, humain et divin à la fois, nous laisse contempler les vertus mêmes de Jésus : Sa sainte Colère, motivée par la vérité et le salut des hommes, Son obéissance et Sa piété filiale jusqu’à la Croix, Sa douceur envers ceux qui Le condamnent et ceux qui pèchent, Son humilité ou Sa patience envers ses disciples.
À l’image du Sacré Coeur, il s’agit de faire de notre coeur un temple à l’Esprit Saint ; Dieu a répandu son amour dans nos coeurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné (Rm 5, 5). La mort du Christ sur la Croix coïncide pratiquement avec le don de l’Esprit Saint – » Il remit l’Esprit « . En renouvelant sans cesse notre vie intérieure, en apprenant la langue de Dieu par un dialogue silencieux mais fructueux avec le Coeur de Jésus, nous enracinons cette grâce reçue dans notre coeur et agissons avec charité dans le monde.
Ainsi, l’Esprit Saint nous purifiant peu à peu, nos passions rectifiées concourent aux oeuvres saintes. Effectivement, comme nous l’enseigne le Catéchisme de l’Église Catholique, les fêlures de notre nature humaine rendent l’acquisition et l’exercice de ces vertus difficiles (CEC, 1811). Malgré cela, nous savons pouvoir compter sur la grâce de Dieu qui élève la nature humaine, de manière surnaturelle, jusqu’à la participation à la nature divine, en faisant que les oeuvres humaines soient méritoires et agréables à Dieu. En imitant le Christ et en orientant vers le bien nos passions par un patient travail sur nous-mêmes, nous devenons des fils de Dieu et nos vertus humaines deviennent des vertus chrétiennes.
Pour que cette charité croisse et donne des fruits, chacun doit s’ouvrir à la Parole de Dieu, accomplir sa volonté avec la grâce, recevoir fréquemment les sacrements comme l’Eucharistie ou la Réconciliation. Il s’appliquera à la prière, à l’abnégation, au service aux autres et à toutes les vertus. En effet, la charité étant lien de perfection et accomplissement de la loi, elle régit et conduit vers leur fin tous les moyens de sanctification.
Ainsi, la charité envers Dieu et le prochain caractérise le vrai disciple du Christ. Cette imitation du Christ par la contemplation de son Coeur, que nous rappelle Lumen Gentium (chapitre 5), résonne comme un appel universel à la sainteté.
Conclusion
« Le plan du Seigneur demeure pour toujours, les projets de son Coeur subsistent d’âge en âge » (Ps 32,11)
Les révélations faites à Marguerite-Marie Alacoque sur le Coeur de Jésus nous rappellent l’amour infini du Christ qui donna sa vie sur la Croix pour le salut de l’humanité. Contempler ce Coeur permet de voir dans la souffrance la joie pascale et d’imiter ce don total par la charité, même si la nature humaine est faible et requiert la grâce. La contemplation du Sacré-Coeur fait croître en nous cette charité envers Dieu et le prochain, et incite à incarner par nos actions la vocation universelle de l’Église à la sainteté.
Cette vocation transcende la vie individuelle ou familiale, elle concerne aussi les peuples et les nations, et plus spécialement – semble-t-il – la France : le Coeur Sacré de Jésus, par l’intermédiaire d’innombrables prophéties, implore humblement son « fils aîné » de se souvenir de son héritage. Depuis le baptême de Clovis, la France est prédestinée par Dieu à défendre l’Église. Nous pouvons, à notre place, contribuer à ce que ce fils prodigue fasse à nouveau rayonner la foi.
Bonne et sainte année Domvs !
La Coordination Générale