Pour cette nouvelle année, Domvs Christiani souhaite se tourner vers notre Mère du Ciel en proposant un nouveau
thème à ses groupes : « Voici ta Mère. »
1. Présentation du thème
Le Christ ne nous laisse pas orphelins en mourant sur la croix : Il nous donne sa propre mère. « Jésus, voyant sa mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : « Femme, voici ton fils ». Puis il dit au disciple : « Voici ta mère ». Et à partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui. » (Jn 19, 26-27)
Comme homme, au pied de la croix, Saint Jean représente l’Église en tant qu’assemblée, c’est-à-dire l’humanité rachetée par le Christ. Comme apôtre, il représente aussi l’Église en tant qu’institution, c’est-à-dire la succession apostolique instituée par le Christ qui enseigne et prodigue ses sacrements par les évêques.
1. Notre Dame, mère de Dieu, mère de l’Église et mère des hommes
En donnant à Saint Jean Marie pour mère, Notre Seigneur fait de Notre Dame la mère de l’Église et la mère de tous les hommes. Saint Jean est plus grand que lui-même quand il la reçoit. Elle est son héritage et il la
prend chez lui.
En 431, le concile d’Éphèse a résolu la crise nestorienne1 en donnant à la Sainte Vierge Marie le titre de « Mère de Dieu ». Ainsi proclamée solennellement, la maternité divine est le fondement de tous les attributs et titres de gloire de Marie, qui seront affirmés au cours des siècles et que nous célébrons au cours de l’année liturgique : Immaculée Conception, Virginité, Annonciation, Assomption, Reine du ciel, Mère des hommes, Mère de l’Église. Saint Thomas d’Aquin nous dit que Marie est la personne la plus unie à Dieu.
Paul VI a voulu désigner la Sainte Vierge Marie à la fois comme membre suréminent de l’Église, car elle seule parmi les hommes n’a jamais contrarié la grâce, et comme « Mère de l’Église », vocable qui réunit deux grandes vérités : mère de Dieu et mère des hommes : « De même que la divine Maternité est la cause pour laquelle Marie a des relations tout à fait singulières avec le Christ et est présente dans l’œuvre de salut humain accomplie par Jésus-Christ, de même, de la divine Maternité découlent principalement les relations qui existent entre Marie et l’Église ; puisque Marie est la Mère du Christ, qui, dès qu’il a assumé la nature humaine dans son sein virginal, s’est uni à son Corps Mystique, qui est l’Église.
Marie, en tant que Mère du Christ, doit donc être considérée comme la Mère des fidèles et de tous les pasteurs, c’est-à-dire de l’Église. » 2
Les litanies de la Sainte Vierge Marie lui attribuent de nombreux titres qui soulignent son intercession maternelle auprès des hommes : « Secours des chrétiens, Mère de la Divine Grâce, Mère du bon conseil, Vierge puissante, Vierge clémente, Miroir de justice, Cause de notre joie, Maison d’or, Arche d’alliance, Porte du ciel, Étoile du matin, Salut des infirmes, Refuge des pécheurs, Consolatrice des affligés », sans oublier tous les vocables qui attestent son empire sur les saints : « Reine des anges, Reine des patriarches, Reine des prophètes, Reine des apôtres, Reine des martyrs, Reine des confesseurs, Reine des vierges, Reine de tous les saints ».
Comme notre mère, elle est notre guide et notre consolatrice. Elle n’est pas la source de la grâce, qui est un don de Dieu, mais notre intercesseur : elle la demande à Dieu pour nous et nous la communique.
2. Notre Dame, mère de l’Eglise dès sa vie terrestre
La Très Sainte Vierge Marie est la Mère de l’Église dès sa vie terrestre, et tout au long de l’histoire de l’Église des origines jusqu’à nos jours :
À l’Annonciation, le « fiat » de Marie contient déjà tous les « oui » à venir des fidèles de l’Église. « Le rôle particulier de coopératrice joué par la Vierge a pour fondement sa divine maternité. » 3 « Marie reçoit la vie de celui auquel elle-même, dans l’ordre de la génération terrestre, donna la vie comme mère. La liturgie n’hésite pas à lui donner le titre de Mère de son Créateur. » 4 Mais Marie est mère de Dieu dans la foi avant de l’être par la chair. Elle est la première à avoir cru. « Vatican II présente Marie comme Mère du Rédempteur, mais aussi comme coopératrice à l’œuvre du Sauveur par son obéissance, sa foi, son espérance et son ardente charité. » 5 À la femme qui s’était adressée à Jésus en louant Marie : « Heureuses les entrailles qui t’ont porté ! », Jésus répond : « Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la gardent ! » 6
L’épisode des noces de Cana révèle une profonde communion entre Jésus et sa mère ! « Il est certain que dans cet événement se dessine déjà […] la maternité nouvelle selon l’esprit et non selon la chair, c’est-à-dire la sollicitude de Marie pour les hommes, le fait qu’elle va au-devant de toute la gamme de leurs besoins et de leurs nécessités. » 7Jésus donne à Marie le titre de Femme à deux reprises seulement dans les Évangiles : aux noces de Cana et au pied de la Croix.
Ce terme souligne que Marie est la femme par excellence, la « nouvelle Ève ». Elle est associée à l’œuvre salvifique du Christ dès le commencement de sa mission jusqu’à sa fin sur la croix. Selon saint Irénée, « de même qu’Ève, ayant pour époux Adam, et cependant encore vierge […] en désobéissant, devint cause de mort pour elle-même et pour tout le genre humain, de même Marie, ayant pour époux celui qui lui avait été destiné par avance, et cependant Vierge, devint en obéissant, cause de salut pour elle-même et pour tout le genre humain. »8
Seule au pied de la croix, elle se tient debout. Elle est digne, car elle croit. Elle devient, par sa foi et son union toute spéciale à la passion de son Fils, Unie d’une façon toute spéciale à la passion de son fils, la mère de tous les vivants, excellente et universelle. Lorsque Jésus est mis au tombeau et que les apôtres se dispersent, envahis par le doute et le découragement, Marie demeure seule gardienne de la foi de toute l’Eglise.
À la Pentecôte, elle se tient au milieu des apôtres, « assidue à la prière », en tant que « Mère de Jésus » 9. Elle est le témoin exceptionnel de la vie de Jésus au cœur de l’Église naissante. Elle est inséparable du mystère du Christ et « elle appartient aussi au mystère de l’Église dès le commencement » 10. La place éminente de Marie, comme mère de l’Église, est fondée sur cette présence priante au milieu des apôtres 11
3. Développement de la dévotion mariale au cours des siècles
Avant la Révélation, beaucoup de divinités païennes féminines témoignent de l’attente de celle qui sera la Vierge : on pense à la « Virgini pariturae, la Vierge qui doit enfanter », vénérée par les druides à Chartres. Certaines traditions religieuses non chrétiennes portent encore des traces de cette attende de la Révélation. Marie vient y accomplir les figures de la Vierge et de la Mère.
Au début de l’ère chrétienne, l’antienne mariale « Sub tuum præsidium » constitue probablement la plus ancienne prière chrétienne adressée à la Vierge Marie. Son texte en grec a été retrouvé sur un papyrus en provenance d’Égypte daté du IIIe siècle. Elle est donc antérieure à la prière du « Je vous salue Marie », telle que nous la connaissons : « Sous l’abri de votre Miséricorde, nous nous réfugions, Sainte Mère de Dieu. Ne méprisez pas nos prières quand nous sommes dans l’épreuve, mais de tous les dangers, délivrez-nous toujours, Vierge glorieuse et bénie. » Les vérités théologiques mariales y sont admirablement synthétisées : maternité, virginité, miséricorde, protection, intercession. Notre Dame connaît toutes nos nécessités et nous délivre du danger. Il est frappant de constater que dès l’antiquité les chrétiens sont tournés vers Marie comme des enfants vers leur mère.
Au fil des siècles, la dévotion envers Notre Dame s’intensifie, avec la composition de nombreuses prières au cours du Moyen Âge, notamment l’Ave Maria, qui fut composé en deux temps : la première partie dès le Ve siècle, en combinant les paroles de l’Ange à l’Annonciation et d’Elisabeth à la Visitation ; et la seconde au XIe siècle. La dévotion mariale prend une nouvelle dimension au XIIIe siècle avec le chapelet, qui, selon la tradition dominicaine, a été transmis par Notre Dame à saint Dominique.
Lors de ses nombreuses apparitions, Notre Dame conforte la foi des missionnaires et des premiers chrétiens, affirme la vocation d’un ordre religieux ou d’une nation, soulage et console le peuple chrétien, demande la construction de nouveaux sanctuaires. Ses exhortations à la pénitence et à la prière, en particulier à la prière du chapelet, deviennent de plus en plus pressantes au fil des siècles. Dès l’an 40 et donc avant sa mort, selon la tradition, Notre Dame du Pilar apparaît à Saragosse pour conforter saint Jacques et ses disciples espagnols. En 1531, sur la tilma de l’indien Juan Diego, Notre-Dame de Guadalupe apparaît enceinte de Jésus pour confirmer la vocation du Mexique chrétien.
Les exemples sont nombreux où la dévotion mariale a entraîné un miracle, notamment de protection. À plusieurs reprises, Notre Dame protège la chrétienté contre l’envahisseur musulman, en 1571 à Lépante, en 1683 à Vienne et en 1717 à Belgrade. De même, elle apparaît dans la France envahie par l’Allemagne, à Laval en 1871, en parallèle avec les apparitions de Pontmain, puis à la bataille de la Marne en 1914. Au Japon en 1945, elle préserve miraculeusement de l’explosion atomique les jésuites de l’église Notre-Dame de l’Assomption à Hiroshima et le couvent du Jardin de l’Immaculée fondé par le franciscain Maximilien Kolbe à Nagasaki. En 1947 à l’Ile Bouchard, la Vierge sauve la France de la guerre civile souhaitée par les communistes et promet du « bonheur dans les familles ». Grâce au Rosaire, elle intervient à nouveau contre le péril communiste en 1948 à Vienne et en 1964 à Rio de Janeiro.
Conclusion : Notre Dame dans nos familles
On se convertit en imitant Marie. Mettons-nous à son école en toute circonstance. À la maison, l’Angelus rythme la vie du foyer et le chapelet quotidien nous nourrit tous au pied de la statue de la Vierge. Les grandes fêtes mariales que l’Église nous offre de solenniser chaque année sont l’occasion de belles retrouvailles et de dévotions familiales. Le baptême des petits enfants est souvent suivi d’une touchante consécration du nouveau baptisé à sa Mère du Ciel. Les jeunes époux concluent leur cérémonie de mariage par une prière mariale et, parfois, lui offrent un bouquet de fleurs. Certains ont l’honneur d’avoir des enfants qui répondent plus à l’appel du Ciel par une vocation sacerdotale ou religieuse. Et plus simplement, chaque soir, agenouillons-nous en famille au pied de Notre Dame, afin de confier le repos de la nuit sous sa cape maternelle. Terminons notre journée avec Notre Dame, qui vient border chacun de ses enfants avec sa tendresse maternelle.
Bonne et sainte année Domvs !
« Salve, Regína, Mater misericórdiæ, Víta, dulcedo, et spes nostra, salve. »
1 Nestorius, patriarche de Constantinople, affirmait que la Sainte Vierge n’était pas la mère de Dieu, mais seulement la mère de Jésus homme.
2 S. Paul VI, Discours du 21 novembre 1964, pour la conclusion de la 3e session du Concile Vatican II.
3 S. Jean-Paul II, Audience du 9 avril 1997
4 S. Jean-Paul II, Encyclique Redemptoris Mater, 25 mars 1987, n°10.
5 S. Jean-Paul II, Audience du 9 avril 1997
6 Lc 11, 27-28.
7 S. Jean-Paul II, Encyclique Redemptoris Mater, 25 mars 1987, n°21
8 S. Irénée, Contre les hérésies, Livre III, 22, 4 ; Sources chrétiennes n°211, Cerf, 2002, p. 44.
9 Ac 1, 13-14.
10 S. Jean-Paul II, Encyclique Redemptoris Mater, 25 mars 1987, n°27.
11 S. Paul VI, Discours du 21 novembre 1964, pour la conclusion de la 3e session du Concile Vatican II.