« Soyez saints ! », nous exhorte Celui dont nous avons appris à suivre le Chemin (« Viens, suis-moi », thème 2020-21). Après avoir renouvelé la force de notre engagement et notre désir de fécondité (thème 2021-2022), nous explorons ce qui en est l’âme, et le but : être saints

Pour les époux que nous sommes, c’est surtout par notre mariage que nous sommes appelés à la sainteté. C’est par notre mariage que nous progressons dans notre sanctification mutuelle, traversant joies et peines mais toujours soutenus dans notre état de vie par les grâces de ce sacrement fondateur. Et pourtant, nous trouvons souvent difficile de percevoir l’unité de cette vie si remplie, et sa convergence vers la sainteté ! Nos contemporains semblent se chercher de nouveaux maîtres, « eux qui font leur Dieu de leur ventre, et mettent leur gloire dans ce qui fait leur honte, n’ayant de goût que pour les choses de la terre » (Ph 3, 19). C’est précisément le monde dans lequel le Seigneur nous place et nous attend : n’y a-t-il pas une urgence particulière à y être des saints?

Que cette année Domvs Christiani nous conduise sur les bonnes pistes de réflexion, nous permette de mettre en œuvre les quelques conseils pratiques que nous vous proposons pour que nos familles vivent dans la sainteté !


La sainteté dans les Écritures : « Soyez saint parce que je suis saint »

Depuis le péché originel, Dieu appelle continuellement les hommes à la sainteté.

Ainsi, à Abraham, il dit « marche devant moi et sois parfait » (Gn, 17, 1). Puis aux Israélites dans le Lévitique, avec une certaine insistance : « soyez saints, car moi, Yahvé votre Dieu, je suis saint » (Lv 19,2) ; et encore « vous vous êtes sanctifiés et vous êtes devenus saints car je suis saint ; ne vous rendez donc pas impurs avec toutes ces bestioles qui rampent sur terre. » (Lv 11,44) ; « Soyez-moi consacrés puisque moi, Yahvé, je suis saint, et je vous mettrai à part de tous ces peuples pour que vous soyez à moi» (Lv 20,26) ; «Le prêtre sera pour toi un être saint car je suis saint, moi Yahvé qui vous sanctifie » (Lv 21,8).

Cet appel constant à la sainteté se poursuit dans le Nouveau Testament : « Vous serez donc parfaits, vous, comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5,48) ; « de même que Celui qui vous a appelés est saint, montrez-vous saints, vous aussi, dans toute votre conduite, parce qu’il est écrit : « Vous serez saints, car moi je suis saint » ». (1 P, 1, 15-16).

Il est frappant que l’appel à la sainteté soit motivé à la fois par la sainteté de Dieu et par le fait que nous lui appartenions. Être saint, c’est pouvoir se tenir en sa présence, devenir son familier ! Le contexte de Saint Matthieu 5,48 nous invite en outre à imiter le comportement miséricordieux de Dieu, bienfaisant pour les bons comme pour les méchants.


Qu’est-ce qu’être saint ?

Dieu lui-même est saint, Il est même trois fois saint, dans chacune des personnes divines composant la Sainte Trinité.

Et l’homme ? Selon la formule de Ste Bernadette : « Être saint, c’est aimer le Bon Dieu, voilà tout ».

Selon le Compendium du Catéchisme de l’Église catholique (n° 428): la sainteté chrétienne « est la plénitude de la vie chrétienne et la perfection de la charité; elle se réalise dans l’union intime avec le Christ et, en lui, avec la Sainte Trinité ».

Dans le même sens, le Révérend Père Calmel[1] nous explique : « La sainteté, c’est le Seigneur qui est devenu le Tout de l’âme et cela dans n’importe quelle situation possible, car s’il est devenu le Tout, aucune situation n’est un écran (sauf le péché). Or, le Seigneur veut devenir le Tout de chacun de nous, de chacun de nous étant tel qu’il est et dans la situation qui est la sienne. La sainteté, ce sont les Personnes divines en l’Unité de leur nature devenues le tout de telle personne humaine, dans le Christ. »

Par le baptême, la Sainte Trinité vient habiter notre âme. En nous conformant au Christ dans notre cœur et dans nos œuvres, nous offrons une demeure à la Sainte Trinité toute entière, dans la diversité et l’unité des Personnes qui la composent. Il est là, le véritable trésor du chrétien, le centre de sa vie.


La vie de l’âme

La présence et l’action de Dieu dans l’âme suscitent l’émerveillement et renforcent le désir de correspondre à ces grâces admirables.

Tout commence par la grâce habituelle, qui rend l’âme juste : l’âme participe à la propre vie de Dieu, elle est belle devant Lui. Dieu est certes présent partout, au titre de l’action créatrice qui maintient tout dans l’existence ; mais Il est présent dans l’âme du juste à un nouveau titre : il y habite comme un ami chez un ami.

Cette grâce fondamentale cherche à s’épanouir et appelle d’autres grâces. Les vertus infuses sont donc données, parmi lesquelles les trois vertus théologales ont la première place. Par la foi, l’espérance et la charité, l’âme peut poser des actes qui la mettent en relation avec Dieu même ! Elle s’unit à lui en croyant, en désirant et en aimant Dieu avec une force surnaturelle. La charité a par surcroît un rôle particulier : elle anime toutes nos actions, tout peut être fait au nom de l’amour de Dieu !

Viennent ensuite, en complément, les vertus morales infuses, qui perfectionnent les vertus acquises de force, tempérance, justice et prudence : l’agir moral est renouvelé intérieurement pour concourir à la sainteté.

Les dons du Saint-Esprit, enfin, sont donnés comme dispositions stables pour être mus par Lui : le souffle divin peut passer en nous et donner une force divine à nos opérations.

Tout cet ensemble de grâces est comme un organisme surnaturel qui élève toutes les dimensions de la personne. Et tout cela grandit et prospère harmonieusement, à mesure que l’âme s’ouvre à l’action divine en elle, l’image du Christ formée en nous par le baptême s’approfondit et s’embellit.


La sainteté est-elle à la portée de tous, dans toutes les situations ?

La sainteté est en germe dans la grâce du baptême, qui nous offre à Dieu et nous configure à Lui. Ce germe s’épanouit dans la diversité, selon les dons naturels et surnaturels, par l’inépuisable fécondité du Saint Esprit. Elle illustre aussi combien le Christ vient sanctifier et purifier chacune de nos vies.

Voilà pourquoi les saints sont si nombreux et si divers, et pourquoi aussi chacun de nous est appelé à la sainteté d’une façon personnelle : martyrs, confesseurs, vierges, religieux, docteurs de l’Église, mystiques, thaumaturges, stigmatisés, mais aussi enfants, adolescents, adultes. Et, plus récemment, l’Église insiste d’une façon nouvelle sur la sainteté des époux : « on devra s’employer à reconnaître l’héroïcité des vertus d’hommes et de femmes qui ont réalisé leur vocation chrétienne dans le mariage : convaincus que les fruits de sainteté ne manquent pas non plus dans cet état, nous sentons le besoin de trouver les moyens les plus adaptés pour les mettre en évidence et les présenter à toute l’Église comme modèles et stimulants pour les autres époux chrétiens »[2]. Cette sainteté personnelle résulte pour les uns d’actes extraordinaires, pour les autres d’une vie cachée et fidèle chaque jour.

À cet égard, le mariage chrétien est une voie particulière de sainteté : les époux se sanctifient par l’amour conjugal vécu dans la fidélité à la grâce du sacrement. Non seulement chaque état, mais aussi chaque situation sont porteurs de grâces particulières qui, si on les accueille, façonnent la sainteté de chacun.

Alors, oui, la sainteté est accessible à tous les baptisés ; le Pape François nous y exhorte : « Nous sommes tous appelés à être des saints en vivant avec amour et en offrant un témoignage personnel dans nos occupations quotidiennes, là où chacun se trouve. (…) Es-tu marié ? Sois saint en aimant et en prenant soin de ton époux ou de ton épouse, comme le Christ l’a fait avec l’Église» [3].

Il est bon de rappeler quelques moyens pour répondre à cet appel.


Comment vivre saintement aujourd’hui?

Bien entendu, tous les éléments de la vie chrétienne fervente sont légitimes et souhaitables : vie sacramentelle et liturgique, prière personnelle et en foyer, formation, obéissance aux commandements de Dieu, éducation des passions, etc… Pour tout cela, la Règle de vie de Domvs Christiani est une amie fidèle et efficace !

Néanmoins, l’appel à la sainteté est bien plus qu’un commandement extérieur, c’est un désir qui nous habite : par le baptême, nous sommes faits pour Dieu et attirés par lui. Une force vitale nous habite.

Avant de nous renouveler dans les pratiques de la vie chrétienne, une attitude d’accueil, de silence, de mémoire et de disponibilité s’impose : « il y a en moi une eau vive qui murmure et dit en moi : « viens vers le Père »[4] ». L’amour que nous voulons rendre à Dieu, nous le recevons d’abord : il est important de commencer par reconnaître ce don, de fonder toute notre conversion sur cette expérience du salut reçu.


Faire face au défi du temps : agir dans la grâce de l’instant présent[5], « au temps favorable »[6]

« Le futur appartient à la sainte Providence, le passé à la sainte Miséricorde, le présent est le lieu de l’amour » dit Mère Térésa.

Le point de rencontre entre l’éternité de Dieu et le temps de l’homme, c’est l’instant présent, la minute qui s’écoule. Chaque moment nous arrive chargé de la présence de Dieu.

Dieu nous veut saints tout de suite. Bien sûr, il ne demande pas que du premier coup nous parvenions au sommet de la perfection. Nous en sommes bien incapables. Il veut que maintenant, tout de suite, sans différer sans cesse et reporter au lendemain, nous le suivions. « Aime-moi tel que tu es. N’attends pas d’être un saint pour te livrer à l’amour sinon tu ne m’aimeras jamais »[7].

C’est dans l’instant présent que se situe le contact avec la volonté divine. À cette minute précise, Dieu veut nous voir accomplir telle action qui, bien souvent, ne sera ni extraordinaire ni grandiose, mais banale et informe et dont la seule valeur sera d’être la volonté de Dieu. L’instant présent nous arrive tout porteur de Dieu, à travers l’action qui nous est offerte et demandée : redécouvrons alors la joie de la lenteur, du travail fait avec soin et amour, et aussi des activités non numériques. « Parce que tu as été fidèle dans les petites choses, entre dans la joie de ton maître » (Mt, 15, 23). 

L’instant présent, « huitième sacrement » selon l’expression du Cardinal Newman, est ce qui fait les saints. C’est l’acceptation aimante et fidèle de tout ce que Dieu demande, minute après minute. 


Rejeter les idoles qui nous éloignent de Dieu

Le texte du Lévitique cité au début nous rend sensibles à cet aspect : Dieu s’est montré jaloux de nous, et ne supportait pas que les Hébreux aillent vers un autre que Lui.

Même si les cultes païens reviennent de nos jours, ce sont d’autres idoles qui nous séduisent : ces idoles sont tout ce que nous mettons inconsciemment à la place de Dieu (réputation, argent, travail, gastronomie, confort…). Acceptons de les reconnaître avec et sous le regard aimant du Christ ! 


Aimer nos proches

« Honorez les uns chez les autres Dieu dont vous êtes devenus les temples » (Règle de Saint Augustin, I,8) : après avoir redécouvert l’habitation de Dieu en nous, l’importance de la charité fraternelle nous apparaît sous un jour nouveau. 

Voici quelques pistes : 

  • Les époux et les familles vivent d’une façon particulière ce mystère : Ubi caritas, là où se trouve la charité, là Dieu se tient.  S’aimer les uns les autres nous permet de révéler et même de vérifier l’amour de Dieu en nous. C’est aussi un moyen de le faire progresser.
  • Soigner particulièrement l’amour fraternel, le cultiver comme une priorité au sein des familles. Citons St Jean-Paul II : « la famille est la route de l’Église », (…) cette route qui par la vie conjugale et familiale, mène au Royaume des cieux (Mt 7,14). Il est important que la « communion des personnes » dans la famille devienne une préparation à la « communion des saints ». Voilà pourquoi l’Église professe et annonce l’amour « qui supporte tout » (1 Co 13, 37) » (Lettre aux familles, 1994, n°14 in fine).
  • S’interroger sur les œuvres de cette charité et s’y renouveler : support mutuel, correction fraternelle, prière pour le prochain, pardon demandé et accordé, acceptation de l’aide de l’autre, etc… 
  • La parole du Christ sur ce qui souille l’homme en sortant de la bouche (Mt 15,11) permet d’ajouter une dernière piste : notre cœur serait plus pur pour Dieu si notre langue (et nos oreilles) bannissait la médisance et le bavardage.
  • Initier les enfants au mystère de la communion des saints, en particulier en priant pour les proches défunts et en participant aux chaînes de prières pour ceux qui souffrent : nous sommes spirituellement solidaires les uns des autres.

Trouver son saint coach !

Apprenons à vivre en compagnie de tous ces saints qui ont suivi Dieu dans leurs multiples chemins. Voici quelques pistes : connaître et prier son (ses) saints patron(s) ; faire découvrir aux enfants les vies de saints (abonnement Patapon ; Belles Histoires Belles Vies… les fruits sont nombreux !) ; connaître la vie du saint du jour et s’en inspirer pour la journée (en ligne : per ipsum.org  et le Guide des saints sur Hozana.org ; ou Vies des saints pour tous les jours de l’année) ; découvrir les saints de nos églises, de nos régions ; en voyage, repérer les localités aux toponymes de saints, les lieux de pèlerinage et leur histoire…

Apprenons aussi à demander leur aide, leur intercession de manière régulière ou en fonction des circonstances : les époux (Sainte Famille, époux Martin, Quatrocchi, Habsbourg), les enfants (Jésus bien sûr, les enfants de Fatima, la colérique Anne de Guigné…), les adolescents (St Dominique Savio, Carlos Acutis, les jeunes filles martyres de la pureté), les étudiants (Frassati), les choses urgentes (St Expedit), les grands-parents (Ste Anne et St Joachim), les époux en désir d’enfants (Ste Elisabeth et St Zaccarie), les parents d’enfants difficiles (Ste Monique)…


Découvrons aussi la joie de la consécration mariale

Nous sentons bien notre faiblesse pour répondre fidèlement à l’amour du Seigneur. Et pourtant l’Esprit Saint suscite toujours en nous le désir de la sainteté.

Pour résoudre cet écart entre ce désir d’infini et notre faiblesse, le Seigneur nous a donné une Mère. Celle qui est mère du Christ devient mère de tout chrétien.

La consécration mariale n’est que cela : rassembler toute notre soif de Dieu et toute l’expérience de notre misère, et se jeter tout entier dans les mains de Marie, pour qu’elle nous offre à son Fils. 


Conclusion

Quels que soient notre âge et notre état de vie, être saint, c’est vivre en union à Dieu, et demeurer en amitié avec Lui où nous sommes, ici et maintenant. Écoutons cet appel de Dieu qui est au fond de nos cœurs, puisons à la source de cette fécondité incomparable de la vie intérieure! 

Bonne et sainte année Domvs !

La Coordination Générale

Exemples de quelques saints mariés : Elisabeth et Félix Leseur, les époux Quattrocchi, les époux Martin, les époux Guite (la sœur de sainte Elisabeth de la Trinité), entre autres.


[1] Si ton œil est simple, Nouvelles Éditions Latines, 2016, cité par Notre-Dame de Chrétienté dans Qu’est-ce que la sainteté ?, dossier de pèlerinage 1999.

[2] Lettre apostolique Tertio Millenio Adveniente de Saint Jean-Paul II, sur la préparation du Jubilé de l’An 2000, n° 37.

[3] Exhortation apostolique Gaudete et exultate sur l’appel à la sainteté dans le monde actuel,  Pape François, 19 mars 2018, n°14.

[4] St Ignace d’Antioche, Épître aux Romains, 7.

[5] Ce passage est largement inspiré de l’article L’instant présent rédigé par les Dominicaines du Saint-Esprit pour Notre-Dame de Chrétienté. 

[6] « Aujourd’hui c’est le temps favorable, aujourd’hui c’est le jour du salut » (II Co VI, 2).

[7] Saint Augustin

Que cette année Domvs Christiani nous conduise sur les bonnes pistes de réflexion, nous permette de mettre en œuvre les quelques conseils pratiques que nous vous proposons pour que nos familles vivent dans la sainteté!

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